Jean Galmot & Alain Maline

Une Saison en Guyane vous propose de redécouvrir en DVD le film Jean Galmot, aventurier dans la version collector de ce numéro. Le réalisateur Alain Maline revient avec nous sur cette aventure hors du commun, fondatrice pour le cinéma guyanais.

Quand avez-vous commencé le cinéma ?
J’ai commencé le cinéma avec la Nouvelle Vague en 1968. Lors d’une manifestation, j’ai rencontré Jean Douchet, qui est alors le parrain des Cahiers du cinéma et qui m’emmène le soir même chez Maurice Schérer (Éric Rohmer et B.Schroeder) des Films du Losange. Au dernier étage, ils fumaient et préparaient le tournage de More… J’ai abandonné mes études pour me consacrer au cinéma à partir de là.
Par la suite, j’ai voyagé au Népal, à Katmandou, puis aux Indes et aussi en Afghanistan en 4 CV. à mon retour, je rencontre Hélène Scott qui est en train d’écrire avec Truffaut un bouquin sur Hitchcock. Elle me dit : « Votre parcours va intéresser François Truffaut ». Je lui dis « Non ! ». La semaine d’après je le rencontre et je suis engagé, parce que lui il partait à New York tourner dans le film de Spielberg, Rencontre du troisième type. Mon côté un peu insolent, un peu anar, lui avait bien plu et me voilà parti faire un casting à Thiers en Auvergne. J’apprends ensuite le métier d’assistant réalisateur pour le film L’Argent de poche. La fin de mes assistanats est marquée par ma collaboration avec Claude Lelouch. Il va négocier la distribution de mon premier film avec UGC, Ni avec toi ni sans toi, avec Philippe Léotard et Évelyne Bouix.

Comment est née l’idée du film Jean Galmot ?
Tout commence avec ma venue en Guyane en 1985, alors que j’accompagne Mitterrand en Concorde pour faire un article de dix pages pour le journal Première ! Mitterrand venait voir un lancement d’Ariane, puis des essais nucléaires en Polynésie, mais tout a foiré ! Il est même resté coincé ving minutes dans l’ascenseur au Centre spatial guyanais…C’était exceptionnel, il y avait plusieurs Concordes stationnés à Rochambeau. Je devais rester quarante-huit heures, je suis resté deux mois, et grâce à un responsable du Cnes, j’ai parcouru la Guyane dans tous les sens pendant ce séjour pour faire les repérages de Cayenne Palace. J’ai trouvé ça incroyable.
Mais Jean Galmot aventurier est d’abord né de mon coup de foudre pour une femme à Cayenne, une avocate dont je tairais le nom (rires), qui faisait une thèse sur Jean Galmot. J’ai aussi rencontré Maude Rullier dans une maison, qui était à l’époque le QG de Jean Galmot. Elle avait gardé une tonne de matériel, des lettres qu’elle m’a données, des éléments précieux pour notre futur scénario. J’ai même trouvé la demande de Blaise Cendrars, qui écrit à l’époque dans le journal Vu, et qui demande à Galmot la possibilité d’écrire six numéros sur son histoire…
J’ai rassemblé les témoignages de ces gens âgés qui avaient connu Galmot. L’histoire du bateau qui attend trois jours que Galmot débarque c’est vrai ! C’était l’émeute, Galmot est venu faire le fameux serment « Je vous jure de vous redonner la liberté » en 1928.

Pourquoi avez-vous choisi Christophe Malavoy pour ce film ?
Au départ, le rôle devait être joué par Jeremy Irons ! J’avais été assistant de la production de Volker Schlöndorff pour le film Un Amour de Swann, avec Alain Delon et Jeremy Irons.
à l’époque, je dis à Ariel Zeitoun, le producteur du film : « Je ne peux pas vous raconter Galmot à Paris rue Marignan, il faut venir en Guyane ! ». Il débarque deux mois après avec son équipe. à son arrivée, nous sommes convoqués à Mana par le conseil général. Il y avait Patient, Castor, Karam, Tarcy… Ils étaient tous là ! Ils nous ont demandé « Qu’est ce que vous venez faire en Guyane ? » On leur a répondu: « On va tourner un film sur Galmot ». Ils étaient tous assis les jambes croisées et Ariel Zeitoun trouve un mot magique, ils décroisent les jambes et ils nous disent: « D’accord qu’est-ce qu’on peut faire pour vous ? » Ils ont pris l’avion pour voir Jack Lang à Paris en disant que ce film devait être absolument tourné en Guyane ; que dans le cas contraire, il serait tourné en Haïti. Alors, nous avons obtenu 10 millions de francs d’avance sur recette par le Centre national du cinéma et par le ministère de la Culture. Avec cette avance, le film devait être impérativement tourné en français. Christophe Malavoy s’est imposé très vite à la place de Jeremy Irons.

Comment Malavoy a-t-il vécu son personnage ?
C’est le film de sa vie ! D’ailleurs, il a ensuite quitté son agent, il s’est mis à écrire et à faire d’autres choses. La Guyane a été pour lui un choc, comme celui qu’a connu Galmot, le choc que l’on a tous avec la Guyane. Christophe Malavoy a été bouleversé par le personnage lui-même, il s’est beaucoup investi. Je me souviens qu’on a passé Noël sur l’Approuague dans le carbet de Serge Fernandez avec Karine Sila. C’était magique, on était tous dans la forêt, on allait à la pêche, à la rencontre de la nature…

Est-ce qu’il y a des acteurs guyanais qui ont participé au film ?
Deux des acteurs principaux: ce sont les rôles du maire de Cayenne et du compagnon de Papa Galmot, joués par Jacques et Jean Michel Martial, mais qui sont d’origine guadeloupéene. Jean-Michel Martial est devenu ensuite le "bain-marie " dans toute la série Navarro. Puis il y avait cet homme politique qui dirigeait le service culture de Cayenne à l’époque. Il avait une réplique dans le film : « Tous les Guyanais sont des moutons ».Les gens l’ont pris au premier degré et donc il s’est grillé ! C’était aussi les débuts d’Édouard Montoute dans le rôle de l’avocat Monnerville, puis nous avons eu aussi Serge Abatucci du théâtre KS and Co à Saint-Laurent, Viviane émigré, et Roger Karam entre autres.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées lors du tournage ?
Sur la place des Palmistes, dans la petite rue qui descend, il y avait une personne qui démontait sans arrêt la devanture de décor qu’on avait fait devant chez lui ! Il nous demandait tout le temps de l’argent. Il fallait verser 1000 francs tous les jours. Comme on est quand même des salauds, on a fini par lui dire, vous avez déclaré au fisc tout ça, et on s’en est sorti… Je suis aussi tombé malade à la fin du tournage, j’ai eu un ulcère. Oui des difficultés, il y en a eu, et à Paris aussi. J’ai dû bloquer la place de la Concorde pendant trois heures, les quais et les voies étaient fermés pour le film. Ce plan était important. Galmot logeait dans un hôtel non loin et devait traverser la place et l’Assemblée nationale était en face. Il nous le fallait absolument ce plan, et ça valait 1 million de francs à l’époque. C’était du lourd, mais quel bonheur et anxiété ce tournage !

Pensez-vous que la mémoire de Jean Galmot existe encore en Guyane ?
Je pense qu’elle disparaît. à cette époque, quand je passais en novembre devant sa tombe, elle était toujours super fleurie. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Les gens qui ont connu Jean Galmot ont disparu. Mais la mémoire de Galmot s’est réveillée à travers le film, les familles, les enfants et les petits enfants qui ont participé au tournage s’en rappellent encore. Il y a eu près de 6 000 figurants, c’était le film de leur vie, les gens ne voulaient plus enlever leurs costumes le soir. Je voyais les gens qui pointaient et au lieu de déposer le costume, ils laissaient une petite pièce et revenaient avec le costume nickel le lendemain.

Quel a été l’accueil du public lors du passage à l’écran ?

C’était très compliqué, il y a eut 650 000 spectateurs, et il fallait en faire 1 million. Donc Canal + a racheté le négatif du film, à peu près 22 millions de francs. Je n’ai pas tous les chiffres mais le film a été vendu ensuite dans plus de 50 pays et beaucoup diffusé sur Canal + et d’autres chaînes. Quoiqu’il arrive, la Guyane vous marque positivement à VIE comme elle avait marqué Jean Galmot !

Entretien par Pierre-Olivier Jay
Trancription de Daniela Noreña Waller

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