C’est le plus grand fleuve au monde. Chaque année, l’Amazone déverse en moyenne 5 600 km3 d’eau douce dans l’Atlantique tropical, soit 20% de tous les apports fluviaux à l’échelle de la planète. Sur le plateau continental, cette eau se mélange aux eaux salées de l’océan puis se disperse sur plusieurs milliers de kilomètres sous la forme d’un énorme panache dont la forme et la localisation varient en fonction du débit du fleuve, la direction des vents et les courants de surface. Grâce à des simulations numériques à haute résolution, des chercheurs du Laboratoire toulousain d’études en géophysique et océanographie spatiales (Legos) et de Mercator Océan viennent de montrer que les fortes marées qui touchent la zone (plus de 4m) modifient également les propriétés de ce panache et sa progression vers le large. « Il ressort que les marées affaiblissent considérablement l’intensité du courant marin côtier qui s’écoule vers le nord-ouest, en direction du plateau des Guyanes. Au lieu d’être dévié dans cette direction, le panache reste alors plus longtemps sur le plateau qui fait face à l’embouchure avant de progresser vers le nord et se disperser au large. Ce qui est conforme aux observations faites par satellites et les mesures faites en mer. D’où plus d’eau salée le long des côtes guyanaises et peut-être aussi, mais cela reste à vérifier, moins d’apports sédimentaires et vaseux », explique Julien Jouanno, du Legos. Autre résultat : en modifiant la dynamique océanique sur le plateau, les marées rehaussent le niveau moyen de la mer à l’embouchure d’une dizaine de centimètres. Les marées se révèlent ainsi être un élément important de la circulation générale de l’ouest de l’Atlantique tropical, au même titre que les courants marins ou les vents. Ces résultats vont permettre d’améliorer les modèles et de mieux comprendre les impacts potentiels des perturbations hydrologiques sur le fonctionnement océanique et le climat. Les chercheurs poursuivent leurs travaux, car de nombreuses questions restent en suspens. Par exemple, existe-t-il un lien entre les apports de nutriments par l’Amazone et la présence massive de sargasses dans l’Atlantique tropical ? « Cette hypothèse demande à être validée. Elle fait l’objet d’un projet de recherche qui vient de débuter avec l’Université des Antilles » souligne Julien Jouanno. À suivre donc.
(V. Ruault et al., J. of Geophys. Res. 2020,
https://doi.org/10.1029/2019JC015495)
Illustration : concentration de chlorophylle de surface : Source OC CCI Septembre 2018