C’est l’inquiétante hypothèse que dresse l’association KWATA, très engagée dans la protection, la surveillance et l’étude des tortues visitant les plages de la Guyane française lors des périodes de ponte. Malgré un retour progressif depuis plusieurs années des trois espèces les plus emblématiques de la Guyane (la Luth, la Verte et l’Olivâtre) après quelques années de vaches maigres, l’inquiétude plane toujours quant au maintien des populations de ces espèces protégées.
Désormais, aux risques de braconnage, de pêche illégale et de prédation des chiens - plus problématiques dans l’Ouest - et à l’érosion du trait de côte qui influence les aires de ponte, Kwata pourrait désormais devoir ajouter le climat à ses préoccupations. En effet, suite à une saison sèche particulièrement sévère, le taux d’éclosion des œufs semble avoir été impacté. La température du nid des œufs de tortues joue en effet un rôle majeur dans le processus d’incubation, celle-ci influençant par exemple leur sexe. Un œuf de mâle se trouve autour des températures plus fraîches (inférieures à 29,5°), tandis que les femelles se développeront plutôt sur le haut de la cheminée de ponte (sur des espaces supérieurs à 29,5°). Outre un phénomène de dégradation du taux de natalité des tortillons, un déséquilibre de la balance sexuelle des tortillons pourrait être observable sur les prochaines pontes.
Problème, selon le Rapport GuyaClimat du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et de Météo-France, le réchauffement climatique sera de +1,5 °C à +4 °C en Guyane d’ici 2100, avec des changements majeurs de températures perceptibles dès à présent. La saison sèche de l’année 2023 ne revêtira donc bientôt plus rien d’un caractère exceptionnel. Si le lien entre le changement climatique et la réussite à l’incubation est vérifié, l’avenir de la conservation des tortues marines pourrait être contraint de se tourner vers les écloseries artificielles, un procédé encore très imparfait en matière de résultats et demandant beaucoup d’investissements humains et matériels.
Photo Émergence de tortues luths (Dermochelys coriacea) en Guyane.Photo Nicolas Defaux-97PX
Sources : Longueville, François ; Thiéblemont, Rémi ; Bel Madani, A. Idier, Déborah ; Palany, P. ; D’Anna, M. ; Dutrieux, P. C. ; Vedie, L. ; Lanson, Méline ; Suez Panama Bouton, B. (2022) - Impacts du changement climatique sur différents paramètres physiques en Guyane : caractérisation et projection - GuyaClimat. Rapport final. BRGM/RP-72111-FR, 349 p.