Derrière la criminalisation des voltigeurs de Cayenne : la fin du carnaval de rue ?

Un dimanche de février 2022, rue Lallouette à Cayenne. En survêtements du Réal Madrid ou du Paris-Saint-Germain, masques de gorilles ou bandanas sur le visage, sneakers aux pieds, une foule de plusieurs centaines d’adolescents, parfois très jeunes, suit d’un pas cadencé les tambours de Kassialata, le plus grand groupe du carnaval de Cayenne. Leurs habits sombres, la densité de leur marche, leur excitation électrique, contrastent avec le satin et les sourires marmoréens des danseurs “ officiels ” qui les précèdent. Tous, sont transis par les tambours viscéraux de l’orchestre. Soudain, de violents remous parcourent la foule. Les visages se crispent, les corps s’habitent d’une raideur martiale et claque une pluie de coups, sans que personne ne sache vraiment qui frappe qui. La “ salade de calottes ” a commencé. Dans la bousculade, les colosses bodybuildés de la Brigade Anti-Criminalité (BAC) de Cayenne, gilets par-balles et Sig Sauer à la taille, regards froncés et mâchoires froides, se frayent un chemin à grand renfort de matraques et de gaz lacrymogènes. Puis tout à coup, le calme revient, le défilé repart, et les mêmes qui s’entre-talochaient furieusement reprennent leur danse côte à côte.

La voltige, une activité traditionnelle en voie de criminalisation

Ce soir-là, aucune bagarre d’ampleur ne sera signalée dans les médias. Ni blessé ni mort à déplorer. Pourtant, depuis la fin des années 2000, la violence au sein des groupes de “ voltigeurs ”, ces personnes qui défilent le dimanche sans appartenir à un groupe de carnaval précis, est chaque année dénoncée comme un enjeu de sécurité publique.
« Le carnaval de Cayenne glisse dans la violence » titre un dossier de Guyane la Première daté du 24 janvier 2017, après qu’une chute d’un adolescent au cours d’une rixe à l’arrière du groupe Kassialata ait causé son hospitalisation. « Carnaval : que faire contre les violences ? » s’interroge encore France Guyane en janvier 2019, après qu’une rixe ait fait neuf blessés légers. « Il faut remettre de l’ordre » déclare l’ex-mairesse de Cayenne, Marie-Laure Phinera-Horth, au lendemain de la rixe de 2017. Car à cette inquiétude sécuritaire lancinante correspondent des politiques de la ville de plus en plus répressives à l’égard des “ voltigeurs ”.

Un encadrement progressif du carnaval de Cayenne

En janvier 2016, alors que le défilé circulait jusque-là librement dans la ville, la maire de Cayenne, Marie-Laure Phinera-Horth, déc......

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