Entretien avec Isabelle Hidair-Krivsky

Professeure des Universités en anthropologie à l’université de Guyane, elle est spécialiste des questions d’identité, d’immigration et de discriminations. Cette observatrice attentive du carnaval guyanais, qu’elle racontait dans Anthropologie du carnaval cayennais (Publibook, 2005), aborde pour Une Saison en Guyane les grandes évolutions sociologiques que connaît cet événement.

 

USG : On oppose souvent le caractère libre, spontané, populaire d’un carnaval traditionnel à un événement de plus en plus organisé : où se situe aujourd’hui le carnaval guyanais ?

Isabelle Hidair-Krivsky : On voit apparaître ce tournant dans les années 1990. Au début des années 1980 déjà, avec la médiatisation du carnaval, on commence à voir les caméras de la télévision se poser dans les rues. On a une retransmission en direct du dimanche gras, qui n’était pas encore une parade.
Pendant très longtemps, jusqu’au milieu des années 1980, on pouvait circuler dans toutes les rues de Cayenne sans aucune restriction. Et la circulation n’était pas contrôlée non plus, il était tout à fait possible que des voitures passent au même moment ! Le carnaval se déroulait dans les rues qui étaient complètement ouvertes et dans n’importe quelle rue, et dans n’importe quel sens, il n’y avait pas de circuit.
Puis progressivement, entre le milieu des années 1980 et le début des années 1990, on voit apparaître ce que l’on va appeler la modernisation du carnaval. D’une part, parce que la fonction économique fait son apparition dans la fête : les sponsors, les commerçants veulent se montrer, en profitent pour accompagner financièrement certains groupes et veulent être identifiés sur des tee-shirts, de......

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