Gédé, la fièvre vaudou

D’aucuns disent qu’il a permis à Haïti d’acquérir son indépendance. Une chose est sûre : le vaudou fait partie intégrante de la culture haïtienne.

Critiqué par certains, mais respecté par tous, il génère aussi les fantasmes les plus fous. « Soit on le pratique, soit on en a peur. Mais tout le monde en Haïti croit au vaudou », résume ainsi Enock Néré, journaliste au quotidien Le Nouvelliste. “Marcher sur le feu”, “avaler des tessons de bouteilles”, ou “se mettre du piment dans le vagin”… voilà le genre de choses dont sont capables celles et ceux qui se font “chevaucher” par le “gédé” (l’esprit vaudou). En tout cas, pour les vaudouisants, il y a une date à ne pas rater : les 1er et 2 novembre. A cette période sont traditionnellement fêtés les morts et, donc, les “gédé”. Les cérémonies ont lieu dans les cimetières, comme ici à Port-au-Prince, puis à Léogâne. Tous sont venus se recueillir devant le Baron La Croix ou Grande Brigitte, pour communiquer avec les esprits. Car c’est l’un des concepts fondateurs du vaudou : tout n’est pas fini après la mort.


Autre personnage que l’on peut croiser au cimetière  : Papa Gédé. C’est lui qui, sous son chapeau, délivre quelques conseils de diseuse de bonne aventure à ceux qui veulent consulter. Guerrier, 29 ans, ressortira satisfait de son entrevue. « Il m’a dit que j’avais des problèmes à travers moi-même… Avec ma famille, mes enfants. Tout est vrai. Il m’a aussi dit que je n’avais pas d’argent. C’est la vérité ». Enfin, Papa Gédé joue aussi les pronostiqueurs de “borlette”, le célèbre loto national : « Il m’a conseillé de miser sur le 12 et le 07… C’est ce que je vais faire ».
Resté un peu en retrait, Junior, taximan catholique s’il en est, préfère regarder tout ça de loin : « Ces hommes sont des fous, juge-t-il. Certains font vraiment des trucs bizarres (en montrant du doigt le Baron La Croix qui s’enfile des épingles à nourrice dans la bouche). Mais moi, je crois en Dieu. Il y a trop de gens vulnérables ici ».

Comme tous les 1er novembre, Max Beauvoir reçoit chez lui, au péristyle de Mariani. Le président de la fédération vaudou aime le spectacle. Le droit d’entrée se règle en bouteilles de Barbancourt. L’endroit est plutôt huppé, à voir les belles berlines et autres voitures du corps diplomatique qui ornent le parking. « Mais ici, précise le maître de cérémonie, il n’y a pas d’étrangers. Le vaudou est universel ». Max fume clope sur clope. Et enchaîne rhum sur rhum. « On est là pour saluer les ancêtres, explique-t-il, sous le parasol de la table officielle. Les invités, eux, viennent pour chanter et danser, boire et s’amuser ». Bien qu’elle soit ouverte aux étudiants, aux journalistes ou aux touristes (on a même croisé deux Japonaises), la cérémonie se veut authentique. Avec sacrifice de cabri compris. Les testicules du défunt bouc seront d’ailleurs mordues à pleines dents par une femme chevauchée. Tout de blanc vêtues, les danseuses invitent aussi les spectateurs à partager leur transe. Comme dit Max : « Les laos (esprits qui assurent le relais avec le monde invisible) sont les mêmes pour tout le monde ».

Les 1er et 2 novembre sont également organisées des cérémonies plus “familiales”. Comme ici, dans un petit quartier à l’entrée de Léogâne, où petits et grands se retrouvent sous l’autorité d’un hougan* (le prêtre vaudou) ou d’une mambo (quand c’est une femme). Les chants et les danses rythment la cérémonie, qui peut durer toute la nuit. Jusqu’à ce que les “gédé” se manifestent enfin.

Nos lecteurs ont lu ensuite

X
Le téléchargement des PDF des numéros n'est pas inclus dans votre abonnement
Envie de télécharger ce numéro au format digital ?

L'intégralité des articles et les PDF pour 29€ par an
Je m'abonne
Logo payement